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alyssaworld - Page 5

  • A quoi rêvent les loups de Yasmina Khadra

    loups.JPGCe roman raconte la descente aux enfers de Nafa, un jeune algérien, qui pour la cause islamiste devient un loup dans les années 1980.

    Il avait peu de repères ni d'espoir dans la vie, et sous l'effet du hasard et du milieu où il se trouve, il va peu à peu commettre entre FIS et GIA des actes de plus en plus violents, sanglants, inhumains, ne trouvant jamais ni fraternité réelle, ni chaleur au sein des autres loups.

    Ce livre au style sans grande personnalité fascine par la mise à nu des mécanismes bien huilés de cette aliénation graduelle, de cette deshumanisation progressive. Et l'impensable, le meurtre le plus abject, devient monnaie courante. Et lorsque le basculement s'est accompli, il est trop tard, la bête a pris les rênes.

    Ne croyons pas un instant que nous, européens puissions éviter ce risque, cette barbarie commise au nom d'un dieu, le nôtre ou presque. L'allemagne nazie, les communismes, et autres nettoyages ethniques si proches de nous, en sont la preuve.

    Foutu 20ème siècle !

     

    Editions Pocket Julliard 1999

     

  • Hugo von Hofmannsthal - Andreas

    von.JPGHvH (mort en 1929) a écrit ce roman avec beaucoup de mal, et ne l'a pas terminé. Le pouvait-il d'ailleurs ?

    Tout ici est confusion, déroute, voies sans issue. La structure même (forme du Bildungsroman selon le Wilhelm Meister de Goethe), l'amas de notes prises pour le préparer, les caractères au contour flou, l'espace d'une Venise flottante, tout, absolument tout s'enroule et se déroule sur soi-même sans aboutir.

    Ce roman, commencé avant la guerre ne réussit pas à enjamber cette effroyable époque. Tout y est échec : l'affection l'amour, la vie sociale, l'homme. Un monde est mort avec les tranchées que HvH ne surmonte pas. Solitude, illusions, visions creuses, Andreas se perd où qu'il aille, quoi qu'il fasse.

    C'est la fin, un peu pitoyable, du romantisme qui n'est remplacé par rien ; c'est la souffrance de l'Allemagne privée de ses anciens mythes, à qui il faudra la purge nazie pour les enterrer pour de bon. Comment pouvait se construire Weimar avec de tels intellectuels ? Relisons à ce propos "Le suicide d'une république : Weimar" de P. Gay ; tout y est.

    Un étrange et fascinant roman qui nous aide à comprndre les convulsions de notre grand voisin.

     

    Éditions Folio bilingue 41 (1994)

  • Le Phare de P.D. James

    le-phare.JPGPhyllis Dorothy James (Pi.Do.Djeims) est femme, anglaise et écrivain ! Trois handicaps qui ne pardonnent pas pour certains Français. Mais attention ! Son petit dernier : 'Le Phare' est un piège. Pas de risque qu’il ne vous tombe des mains. Plutôt quelques agréables nuits blanches en perspective. Jusqu’au point final. Le lieu est magique : 'Combe Island', une île privée au large de la Cornouaille.

    Avec ses résidents permanents, ses rares invités VIP, ses neuf cottages, son manoir et… ses deux phares. Le phare automatique et le vieux phare. Quand le célèbre écrivain Nathan Oliver est retrouvé pendu à l’un des phares, le huis clos commence. Adam Dagliesh, qui vient enfin de réaliser (il était temps !) son amour pour la délicieuse Emma (ici, on se doit de penser "Jane Austen" et non "Gustave Flaubert"), maître de conférences en littérature anglaise à Cambridge, se retrouve privé d’un week-end en amoureux et envoyé illico presto sur l’île par son supérieur Harkness.

    Et c’est peu de dire qu’il va avoir… de la corde à retordre ! L’auteur s’applique à éplucher méticuleusement, jusqu’au plus profond de leur être, chaque personnage avec la délectation d’un enfant qui démonte ses legos sur le tapis de sa chambre. "J’essaie de trouver l’équilibre entre le style, l’intrigue et l’étude de caractère" explique-t-elle. "Chapeau", Madame la Baronne (PDJ fut anoblie par la Reine en 1990) vous méritez largement la mention "très bien" dans les trois matières.

    Le Phare de P.D. James

    Editeur : Fayard
    Publication :3/5/2006

  • Madame Bâ d'Eric Orsenna

    Etes-vous un peu poètes, c'est a dire capable d'aller un peu peu plus loin que le plaisir du sens où la musique des mots ? orsena-eric.JPGSans cela, comme moi au début de ce roman, vous passerez souvent à côté de bien des bons moments que réserve ce livre. Mais rassurez-vous. Vous ne pourrez pas échapper à son charme, si l'on peut dire, pédagogique. Madame Bâ, d'ailleurs fait profession d'apprendre. Elle nous apprend ici l'Afrique et, au delà, une part bien oubliée et enfuie de nous mêmes.

    Son scribe, un jeune avocat blanc qui prend sous sa dictée sa lettre au Président de notre République pour obtenir un visa de court séjour, nous dit tout : "
    Je suis un homme économique, madame Bâ, ... morcelé en dossiers et en hobbies, en heures et en minutes ... Je suis un amas de rondelles. Vous me réapprenez l'unité". Madame Bâ est ce que l'Afrique produit encore, des êtres dont le coeur et la tête font toujours bon ménage, enfin dans leur meilleur avatar. Unité aussi de soi et du monde, pour le meilleur et pour le pire. C'est un beau voyage de découverte de l'Afrique et du Mali qui nous est offert là.

    Mais c'est aussi un voyage dans l'Afrique qui perd sa boussole, qui a perdu ses lois et sa structure et se demande avec angoisse si elle a les moyens d'en acquérir d'autres. Les modèles qu'elle voit autour d'elle ne sont pas très convaincants. Lisez par exemple l'affaire de l'échangeur, une de ces escroqueries couvertes par l'aide au développement. Ou l'affaire des "ogres".

    Bien sûr, ce n'est qu'un roman et un très bon, mais il me laisse partagé. Cette compassion qu'il exprime est certainement la clé de toute tentative de rapprochement, d'aide véritable. Et que l'on balaie au passage dans notre propre cour. Mais il nous livre peu de clés pour ouvrir de nouvelles portes. Car celles dont nous disposons, tant le Mali et l'Afrique que nous même, ont échoué. Alors, s'en remettre au sort ? Ne reste-t-il que l'exil, comme semble le conclure ce livre ?


    Madame Bâ d'Eric Orsenna, Editions Fayard/Stock (2003)

  • Misère de la prospérité de Pascal Bruckner

    misere-de-la-prosperite.JPGSa thèse est simple : l'économie a perdu le statut de serviteur pour prendre celui de maître de nos sociétés. Elle est même en train d'atteindre celui d'une divinité, l'économisme, dont découle toute vérité, toute morale. Alors que une saine démocratie voudrait la prééminence du choix politique, l'économie n'étant qu'un des moyens.

    Le piège est terrible : la concurrence mondiale ouverte, facteur de productivité, devient un trou noir, car l'idéologie de l'économisme en rend la sortie impossible. Il faut tout sacrifier à cet objectif productiviste car toute position acquise est fragile et doit être défendue à tout prix, y compris tous les autres qu'un idéal humain peut espérer. Nouvel enfermement dans une logique impitoyable :instabilité structurelle, menace sur le rapport de l'homme au travail (au fait où pensez-vous que nous en sommes ?), urgence de la réussite 'la victoire ?), destruction corollaire des "freins" : famille, enracinement, relations sociales stables. Nouvelle patrie virtuelle à qui tout doit être donné, y inclus tout espoir de sérénité. C'est le même constat fait 30 ans avant Le rapport Meadows de Dennis Meadows.

    P. B. ne nie cependant pas les succès atteints qui sont loin d'être méprisables : santé, structure sociale ouverte, justice, explosion du savoir. Il serait absurde de jeter le bébé avec l'eau du bain.

    Mais ne virons pas à la nouvelle idéologie, l'économisme ultra-libéral, qui prétend que le marché a réponse à tout. Ne nous engouffrons pas encore une fois dans ces idées simples qui ont fait tant de mal. Le capitalisme et le marché, neutres au plan de l'éthique, doivent retrouver leur place. La vie publique et la vie politique, lieux du libre débat sur ces choix doivent être réhabilités pour libérer la vie privée de son enfermement économiste.

    Rude tâche, mais qui mieux que la démocratie à une chance de réussir ?